Georges Goursat, qui deviendra Sem, naît à Périgueux le 22 novembre 1863. Il est l'aîné des garçons d'une famille de 9 enfants. Ses parents, riches négociants de la place Franchevilie, l'envoient à Sarlat chez les Jésuites jusqu’au baccalauréat qu’il passe avec succès.

Son père meurt en 1884. Voilà Georges Goursat voué à l'âge de 21 ans à prendre la tête du commerce familial. « Je passai mon temps à crayonner des silhouettes sur les factures. Je me payais la tête des clients, je dessinais les diligences et leurs voyageurs qui descendaient sur la place. »1 Le jeune homme ne s'inscrira pas dans la tradition familiale, il vendra ses parts à un associé contre une rente.

Par ce premier geste de rupture avec son milieu d'origine, Georges Goursat imposera le choix d'une vie de dilettante ; il entend mener une carrière d'artiste, dégagé des contingences matérielles et se consacrer entièrement au dessin. « À peine au sortir de l'enfance, je dessinais. Au collège même, avec la complicité et l'aide d'un frère portier, j'imprimais sur des plaques de gélatine les premiers essais de ma fantaisie. Mon père qui connaissait mes goûts et craignait que le sang des Goursat ne mentit en ma personne, se serait résigné à me voir architecte. C'était à ses yeux un métier plus solide que celui de peintre et de dessinateur. Il pensait comme la plupart des bons esprits de Périgueux que le pinceau et le crayon nourrissent difficilement leur homme. Au contraire, la pierre de taille et la brique sont un peu plus substantielles. »1 Il se forme auprès d’Alfred Bertoletti,2 seul professeur qu'on connaisse à Sem ; il choisira ses maîtres en Chéret, Cham3 et Caran d'Ache.



Une vie de dandy et d'artiste commence pour lui dans la ville capitale d'un département rural. Il ne craint pas de choquer son entourage en s'habillant d'une manière excentrique. Périgueux a trouvé son « artiste ». Sem composera à partir de ce contexte provincial : il se forge un regard incisif, et une main apte à saisir les traits saillants et les scènes vivantes. Il observera les notables, les hommes en vue et donnera très vite ses dessins à la presse locale.
« Mes amis qui connaissaient les divertissements de mon crayon firent mon éloge dans la ville et commencèrent ma réputation d'artiste périgourdin. »1

L'Entracte périgourdin, Périgueux illustré n’attendent que ses dessins.





Il se conforme à une représentation de type caricatural commune à la plupart des dessinateurs de presse de l'époque, personnage en pied surmonté d'une tête surdimensionnée. Il ajoute aux caricatures de couverture une page centrale appelée « Silhouettes-indiscrétion ». Cet apport personnel de Sem à la presse locale, hors de la contrainte de l'actualité annonce déjà le registre de représentation qui le rendra célèbre.

Il prélève des attitudes et le détail qui rendent identifiables les modèles. Le spectacle de la rue, les scènes de la vie périgourdine en silhouettes découpées rappèlent les séances du théâtre d'ombre parisien du Chat noir. Sem fait apparaître le petit théâtre de la cité périgourdine, mettant en scène animaux, calèches attelages, ménagères, religieuses, paysans au marché. De cette période, il conservera de fidèles amitiés comme Saint-Aulaire ou Jenny Sacerdote3, couturière chez Paquin qui créera sa marque et l'accueillera plus tard à la capitale.

Françoise Gouyou-Beauchamps


Périgueux

1) « Sem ou l’épicier caricaturiste », par Joseph Galtier, Le Temps n° 15.168, 24/12/1902.
2) Albert Bertoletti, peintre d’origine italienne, restaurateur entre autres du « Chemin de croix » de la cathédrale Saint-Front de Périgueux.
3) Cham pseudonyme de Amédée de Noé (1818-1879), en référence aux fils de Noé : Cham, Sem et Japhet. Georges Goursat prit celui de Sem en continuité de son aîné.



top
clic Conception François San Millan et Martin Gouyou-Beauchamps
Cliquer sur les images pour les agrandir.