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La période marseillaise de Sem est peu renseignée. Il y résidera de 1898 à 1900. La légende prétend qu'une liaison amoureuse ait lancé Sem à l'assaut de la cité phocéenne...
« A Marseille, je trouve un ami, fonctionnaire à la préfecture, qui me présente au préfet, M. Floret. On me loge à la préfecture, j'y occupe un appartement pendant six mois et un atelier pendant tout mon séjour. Je passais en ville pour un secrétaire du préfet. Mais la jolie existence que j'ai menée là-bas. J'avais un bateau à voile, je croisais sur la côte. C'était charmant. Naturellement je prépare un album et, au moment de le lancer, je loue une boutique rue Saint-Ferréol. J'y expose mes dessins. Album et exposition m'ont valu un succès, un triomphe exagérés, marseillais. En quelques heures j'ai été l'homme le plus populaire de la Cannebière. »1

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On peut imaginer que la Méditerranée qui exerce son attraction sur bien des artistes, a plus compté dans le « tour de France » de Sem, confiné jusque là en terres gasconnes. Cette parenthèse biographique silencieuse nous force à considérer avant tout sa production et son évolution. Il semble que le répertoire graphique de Sem se confirme sans transformation notable. Ses objets d'observation restent les mêmes, les « snobs » de la Canebière succèdent à ceux des Chartrons bordelais, les hommes du barreau aux hommes des chais et la lumière du Sud ne transforme pas radicalement le vocabulaire stylistique de Sem.

Il s'y fait très vite une réputation de croqueur de silhouettes. Il continue dans le registre de la chronique mondaine, même s'il croque quelques marchandes de poissons à la criée aux accents de vérité. « Je publie deux autres albums qui consacrent définitivement ma manière. Maintenant, c'est la gloire de province. On m'offre des bouillabaisses d'honneur ; rien que de la rascasse de choix. Je gagne mon premier argent comme caricaturiste, tandis que l'épicier touche ses intérêts. »1 Il applique les recettes qui ont fait de sa présence à Bordeaux une réussite.

Marseille comme Périgueux ou Bordeaux ne résistera pas au charme du petit bonhomme qui exerce son art et son commerce avec le même succès.
Sem adorera le Vieux Port, son activité et sa vie grouillante. Loin d'en traduire l'agitation, il le représente dans un contre-jour japonisant avec un premier plan où les pêcheurs en ombres chinoises, hissent les filets sous la protection de la Bonne Mère baignant dans une lumière rose en second plan. Une maîtrise stylistique faite d'élégance et d'un art de l'épure, loin d'une représentation pittoresque, montrent que Sem a mis au point ce graphisme débarrassé de l'anecdotique qui imposera sa signature dès son arrivée à Paris.


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Marseille sera le marche-pied pour les excursions sur la Côte d'Azur où vont se tisser les liens avec cette société d'oisifs qui remplira les albums parisiens de Sem. Dernière étape provinciale avant Paris, Marseille est en particulier le lieu d'une rencontre décisive, celle de Jean Lorrain. Écrivain, poète, critique, journaliste et amateur de scandales, celui-ci exercera toute son influence sur Sem pour le faire venir à Paris. Il y parviendra !
« Jean Lorrain […] me dit « II ne faut plus rester à Marseille. Allez à Paris. J'en suis revenu; mon premier séjour n'a pas rendu. Revenez-y, croyez-moi. » Ma foi, je me suis laissé tenter. Je suis arrivé au moment de l'Exposition. »1

Ajoutons à ce parrainage le concours de deux marraines Jenny Sarcedote et Coco Chanel, modistes talentueuses et stylistes, qui rivalisent dans les encouragements. Toutes ces personnalités en vue s'entendent en tous cas pour pronostiquer le succès parisien qui ne tardera pas à venir !

Françoise Gouyou-Beauchamps


1) « Sem ou l’épicier caricaturiste », par Joseph Galtier, Le Temps n° 15.168, 24/12/1902.
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fsm Conception François San Millan et Martin Gouyou-Beauchamps